La sexualisation des jeunes
Le sexe sans péché c’est comme un oeuf sans sel. (Carlos Fuentes)
La sexualité et l’apprentissage chez les jeunes suivent des voies concomitantes, en ce que l’un et l’autre s’émancipent du joug institutionnel. Ce faisant, elles perdent peu à peu leur caractère universel au profit de phénomènes générationnels. La jeunesse, emportée par la fougue, se distance malencontreusement des aînés, à qui l’expérience a appris la sagesse. Déboussolée, la vieillesse prêche une moralité souvent postiche. C’est le cas, il me semble, de la pornographie, une saleté dont on affuble tout ce qui touche la sexualité.
Le délicat sujet du sexe chez les jeunes me trotte dans la tête depuis quelque temps. Il suffit de côtoyer des adolescents pour y être exposé. Elle est si omniprésente qu’on y échappe plus. Quelques nouvelles récentes, dont un article rapporté par Florence Meichel (AgoraVox : Jeux pornographiques sur le net, attention danger!) et cet autre sur le sexting (Globe and Mail : Check out my hot bod: Wait, I can get that back, right?), n’ont fait qu’exacerber la question.
Quoique cette hypersexualisation ne s’empare pas de tous les jeunes, il y a suffisamment de signes inquiétants pour chercher à y voir clair. Protéger la pudeur publique, c’est une chose; avilir la sexualité, c’en est une autre. Néanmoins, avec le far-west virtuel, les rapports entre les sexes se compliquent.
Les jeux des adultes se déroulent gaiement dans les alcoves du cyberespace, à peine hors de vue. Du judas de leur ordinateur ou de leur mobile, peut-on reprocher aux jeunes de jeter un coup d’oeil? Les plus hardis entrent aussi dans la sarabande. Nous n’avons d’autre choix que de les éduquer à ce monde que nous avons créé. Agir autrement relève de l’hypocrisie et de la couillonnerie.
J’en ai particulièrement contre cette bondieuserie qui galvaude la sexualité et la marque de son fer rouge. Cette attitude discrédite les efforts des éducateurs pour contrer la pornographie, tout en glorifiant les comportements rebelles. J’ai encore à la mémoire une conférence donnée par une spécialiste des médias qui taxait de pornos des photos de mode montrant ce que les jeunes filles portent régulièrement. Les élèves ont trouvé ça bien rigolo.
L’enseignement à la sexualité ne saurait être la même dès lors que les enfants sont exposés à la pornographie. Ce n’est pas le cas de tous les enfants, bien sûr, mais il y a fort à parier que leur iconographie sexuelle couvre toute la gamme des pratiques au terme de l’adolescence. Il faut se demander si le temps n’est pas venu d’ôter les gants blancs et de saisir le taureau par les cornes en démystifiant ces images et cette culture qui tend à l’hypersexualisation. Les adolescents, croyez-moi, en ont vu d’autres.
Les filles, semble-t-il, subissent plus de pressions à la sexualisation. Aussi, je seconde Ariane Edmond qui revendique l’émancipation du sujet (Le Devoir : L’hypersexualisation des filles – Ceci n’est pas qu’une pipe!).
[...] nous avons deux ou trois choses à admettre, notamment notre complaisance en face de la culture et de l’esthétique porno ambiantes. De plus, il est urgent de donner la parole aux plus jeunes, gars et filles, de muscler notre esprit critique collectif et d’organiser une réplique qui ait du punch pour limiter les dégâts.
L’apparition plus précoce de la puberté (voir Le fossé entre la puberté et le mariage) n’a pas coïncidé avec un rajeunissement de la maturité cérébrale, laquelle stagne autour de 26 ans. Il appert que sexualité, technologies et culture ne font pas un heureux ménage.
L’école a abdiqué son rôle d’éducation en préférant censurer le contenu de la Toile plutôt qu’instruire. La stratégie est non seulement ridicule d’inefficacité, mais elle abandonne les jeunes à la jungle de leur sous-culture, sans compter les sommes détournées de l’apprentissage aux mesures de contrôle. Heureusement qu’il y a des jeunes comme Félix G Genest pour oser dénoncer, très civilement, l’incompétence des administrateurs scolaires (Le Journal de Québec : « L’absurdité » de la censure). Il faut lire également le billet de Mario Asselin : Censure d’Internet à l’école… Quelques secousses à Rochebelle.
En ignorant la réalité des jeunes, l’école joue sa crédibilité. Il n’y a pas que la pruderie qui l’aliène aux yeux des jeunes; la censure, les caméras de surveillance et le bâillonnement des blogueurs, pour ne nommer que ceux-là, répugnent. L’apprentissage croît plus fertilement dans la liberté que sous l’autorité. Doit-on s’étonner du faible sentiment d’appartenance à l’école?
Mise à jour, 28 mars 2009 | Ironie du sort, je réalise à l’instant que ce billet ne pourra vraisemblablement pas être lu dans les écoles, puisqu’il contient plusieurs mots rejetés par les filtres numériques.
(Image thématique : Sex, par Georgy Ostretsov)
Par ricochet :
L’intimidation a aussi une forme sexuelle
Le sexe dans les jeux vidéo
Les jeunes et la porno
Le fossé entre la puberté et le mariage
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Une de mes enseignante a partiellement défendu en classe la position Contre du Vatican au sujet du condom : c’est mal. Mais elle est quand-même plus réfléchie qu’eux et explique son opinion : lle soutient que les condoms envoyés en Afrique font des ravages car on ainsi on donne le message à la population que le condom est la solution à leurs problèmes, que s’ils portent le condom tout sera réglé… et que c’est aussi quelque chose de vérifiable en Occident (en exemple je donnerais Washington, qui peste de VIH). C’est peut-être vrai. Elle croit que les relations sexuelles ne devraient pas se faire avec le condom. «Éduquer», ça a été son mot du début à la fin! Il ne faut pas donner de condoms en Afrique, il faut leur apprendre. (À l’entendre parler sur ce point j’ai eu l’impression qu’elle disait qu’en Afrique on ne pouvait faire l’amour que dans un bordel… je lui ai mis mes impressions en face, lui ai dit qu’elle généralisait un peu trop et elle a dit «nah nah nah nah, écoute Félix, j’ai XY ans, je connais le monde». Elle a aussi parler comme si les jeunes d’aujourd’hui qui ont des relations sexuelles connaissaient leur partenaire en ayant leur première relation sexuelle, pas avant…) Elle a raison que les condoms causent peut-être l’insouciance de certains qui s’en remettent complètement à eux -à tort- pour être safe, mais faut pas être contre le condom pour autant, voyons!… Je sais pas pourquoi j’écris ça ici, ça doit avoir rapport… je voulais juste le dire quelque part, faut croire! Ça a fâché la majorité des gens dans la classe -puis dans le corridor-, le prof est peut-être un peu trop conservateur dans ses idées… Bref!
Bon Je n’avais pas lu la note, je voulais écrire mon paragraphe d’en haut avant… maintenant commentons!
Sexting : intéressant, je connaissais pas ce mot-valise, ni-même le phénomène…
Merci bien des bons mots… j’écrirais, alternativement, «Heureusement qu’il y a des gens comme François Guité pour oser dénoncer, très civilement, l’illogisme des administrateurs scolaires»! Sinon, concernant l’article en tant que tel, mon rôle et mes perceptions là-dedans, voir mon commentaire sur le billet de Mario.
Tes deux derniers paragraphes sont que trop vrais : si j’ai des représailles concernant le fait que j’ai testé des sites pour adultes (en passant je n’y suis pas allé graphiquement, hein!), je pourrais citer ça. Ça n’a que trop de bon sens.
Et pour ta mise à jour… ^_^’ Tu as surement raison, dans la plupart des écoles en tout cas. Mais à ‘Rochebelle, depuis la semaine dernière quand ils ont installé DansGuardian sur le serveur pare-feu, ils ne semblent plus bloquer spécifiquement des mots, ce que l’ancien logiciel faisait.
Ton premier commentaire, Félix, montre assez bien que l’éducation ne peut pas tout régler. Par contre, c’est un bon début, et cela limite le recours aux mesures coercitives plus tard. La question plus fondamentale, cependant, demeure éduquer à quoi, par qui, et comment? Comme ton commentaire l’indique si bien, on peut enseigner n’importe quoi, n’importe comment. On évite volontiers ce piège en misant davantage sur le apprendre à apprendre plutôt que sur le directivisme des connaissances personnelles.
Je suis étudiante à l’Université de Montréal et j’y termine ma deuxième année dans le programme d’éducation préscolaire et enseignement primaire. L’hypersexualisation des jeunes est un sujet sur lequel j’ai beaucoup étudié lors de mon parcours scolaire. En tant que future enseignante, je trouve navrant que l’école primaire n’aborde pas le sujet de la sexualité plus tôt, car, d’après mes souvenirs, ce n’est qu’au secondaire que les élèves reçoivent leurs premières informations sur ce sujet si tabou. Je me demande si cela ne serait pas avantageux d’offrir des moments aux élèves du deuxième et troisième cycle pour leur informer des dangers qu’ils peuvent courir s’ils clavardent sur le net avec des inconnus ou d’avoir des relations sexuelles non protégées. À ce moment-là, où serait la barrière que nous devons respecter dans la divulgation des renseignements, car c’est aussi le rôle des parents. Selon moi, il est important d’aborder ce sujet, puisque la situation commence à être importante. Les jeunes sont, malheureusement, de moins en moins informés et ils pensent que c’est qu’une partie de plaisir.
Je suis d’avis, moi aussi, qu’il est souvent trop tard à l’adolescence pour sensibiliser les jeunes à l’hypersexualisation. Quand le mal est apparent, c’est qu’il a déjà trop sévi. Il est bien difficile, dans le maelström hormonal, de modifier les valeurs rattachées à l’attrait sexuel.
On réussira beaucoup mieux en agissant tôt, dès le primaire. Malheureusement, ce sujet devient plus délicat en bas âge, une pudeur que n’ont pas les démons du marketing.
sur la sexualité des jeunes, je vous conseille l’excellent livre « la vie rocambolesque et insignifiante de Brad-Pitt Deuchfalh » écrit par un adolescent de 15 ans.
Le lien vers La vie rocambolesque et insignifiante de Brad-Pitt Deuchfalh, dont la critique semble plutôt élogieuse. Merci de cette contribution.
Pour réponde à Josianne, disons que je vis avec la réforme scolaire, et j’ai appris tout ce qui concernant les relatiosn sexuelles à partir de la quatrième année du primaire, j’était surprise qu’on me parle de cela si jeune mais maintenant, lorsque je vois mes petits cousins, je me rend compte que l’hypersexualisation touche de plus en plus les plus jeunes et non seulement les adolescents, ça m’attriste d’une certaine façon.
moi aussi, qu’il est souvent trop tard à l’adolescence pour sensibiliser les jeunes à l’hypersexualisation.